Quand insertion rime avec revalorisation

juin 06, 2017 / 0 comments

Marie Millon, l’une des deux encadrantes, nous accueille avec un grand sourire. Elle nous présente l’atelier et l’équipe qui travaille dans une ambiance conviviale et sérieuse. Par un escalier grinçant en bois, nous accédons à l’étage des bureaux et des ateliers de couture. Les locaux, prêtés par la Régie de Territoire du Coeur de Savoie, se composent de petites salles lumineuses et fonctionnelles, dans un environnement verdoyant.

Projet à l’oeuvre depuis depuis 2012-2013, le chantier d'insertion  a ouvert ses portes aux premiers salariés le 6 octobre 2014 après avoir obtenu son agrément en juillet de la même année. Il accueille principalement des femmes, par choix.  « Alors qu’il existe beaucoup de chantiers d’insertion dans le ménage, les espaces verts, l’idée était de créer un chantier couture plus « valorisant » au moins symboliquement », précise la jeune encadrante.

Rien ne se perd, tout se transforme

C’est à l’issue de ses voyages que Marie Million commence à créer des sacs en bâche publicitaire offrant ainsi une deuxième vie aux objets. La Régie a sollicité Aurélie Glairon-Mondet et Marie pour encadrer le chantier d’insertion, créer les produits et mettre en oeuvre le concept du recycling, rien ne se perd, tout se transforme.

Quant aux salariées, elles travaillent à l’élaboration de produits à partir de bâches publicitaires, de tissus, de pneus, de chambres à air de vélo, de ceintures de sécurité récupérés. Besaces, cartables, sac de plage, porte carte, etc. tout est fait à la main puis commercialisés. A la naissance de la structure, l’atelier sollicitait entreprises et personnes privées pour récupérer ces matériaux. Aujourd’hui, les dons se font de plus en plus spontanément. Ainsi, la SNCF a donné une palette de vêtements qui ont été utilisés pour les doublures de sac. L’artiste photographe Thierry Bazin a donné ses bâches d’exposition, il tenait à ce qu’elles soient revalorisées. Ou encore le conseil départemental de la Savoie pour qui l’atelier fabrique de nombreux objets.

Les salariées bénéficient dun accompagnement personnalisé pour construire leur projet professionnel

En parallèle, les couturières mettent à profit ce temps en CDDI (Contrat à Durée Déterminée d’Insertion) pour préparer leur réinsertion. " L’enjeu majeur du chantier est que les salariés sortent avec une formation ", souligne Raphael Basset, chargée d’insertion professionnelle. Travailler à l’atelier est temporaire. C’est la raison pour laquelle en parallèle de leur temps de travail, les salariées bénéficient d’un accompagnement personnalisé et profitent de formations adaptées pour monter en compétences.

Adressées par des prescripteurs (pole emploi, mission locale), pour être éligible au contrat d’insertion, les personnes doivent être demandeur d’emploi longue durée, bénéficiaire des minima sociaux (RSA, ASS), jeune, avoir plus de 50 ans ou être travailleur handicapé. 

"Un bel atelier, une belle idée"

Valérie travaille à l’atelier depuis un an. Elle « aime ce qu’elle fait », cela « fait fonctionner la tête et les mains. C’est créatif ». Toutefois, elle relève cette lourdeur administrative, imposée par le fait d'être un chantier de réinsertion, de devoir justifier sa motivation et son intérêt tous les 4 mois. Selon elle, pour celles et ceux qui ne savent pas quel chemin prendre, l’insertion permet de prendre le temps de la réflexion tout en étant accompagné, et de chercher un nouvel emploi tout en percevant un salaire. Ce type de structures, plus souples qu’une entreprise classique, permet de gérer au mieux d’éventuelles difficultés familiales ou médicales. 

Maryse, très positive à l’égard du chantier de réinsertion, travaille à Fibr’ethik depuis février 2017 et profite pleinement de ce « bel atelier », de cette « belle idée ». Elle vit cette activité temporaire comme une véritable « immersion » qui lui permet de « percevoir un salaire tout en construisant son projet professionnel ». Elle acquiert de l’expérience sur la vie d’un atelier, des compétences techniques, relationnelles tel que le travail en équipe, le fonctionnement d’une association de réinsertion… Elle se sent accompagnée grâce à l’aide concrète qu’elle reçoit de la part des périphériques (partenaires) de la Régie en bénéficiant de leurs réseaux. Une autre couturière a par exemple bénéficié depuis son arrivée en mars 2016 de trois formations liées à son projet professionnel de reconversion dans la vente. Cette dernière fait remarquer qu'elle a profité d’un stage d’une semaine dans ce secteur " très intéressant " mais cependant " insuffisant pour acquérir de l’expérience ", fait-elle remarquer.

L'atelier Fibr’ethik est une jeune structure. Des questions se posent sur la suffisance de l’accompagnement, sur le niveau des formations proposées. Par ailleurs, l’association connait également son point faible : la commercialisation sur laquelle elle travaille. Il faut espérer qu'elle relève ces prochains défis avec succès.

Marie-Rose Gilles