La voix des gens

mai 29, 2015 / 0 comments
 
Interview de Nizar Baraket par julie Fontana

Une Web radio à Grenoble

C'est quoi une webd radio? Et c'est quoi une web radio qui fait parler les gens? Pour en savoir plus sur ce média local original, c'est ici

 

Qu'est-ce qui vous a amené à créer un média comme le vôtre ?

Nous avons fait des premières expériences web-radiophonique avec l’association Dyade, dont je fais partie. (Aujourd’hui cette association est une coopérative d'intérêt collective.)

Entre 2000 et 2002, je bossais sur l'Adate à la Ville de Fontaine, sur la création du journal Mémoire, à base de photos et de témoignages. Je me suis rendue compte à ce moment là que beaucoup de gens ne savaient pas lire et que les plus chouettes moments sont les moments où les gens parlent.

Début 2004, le Centre de Loisirs et Culture (CLC) d'Eybens cherchait une idée innovante pour faire parler les jeunes sous un format radiophonique.  On a mis ça sur internet. Le CLC avait trouvé ça trop démocratie directe. A l’époque on l’a appelé la voix des gens. C’est devenu le titre de la Web antennes qu’on a souhaité reprendre. Avec « La voix des gens », nous travaillons à l’échelle de la région grenobloise, puisqu'on couvre aussi le pays Voironnais. 

Quelle est la ligne éditoriale de votre web-radio? Quelle est votre spécificité?

On interview des personnes qu'on entend pas habituellement parce que ce sont des gens ordinaires : ni élus, ni responsables d'associations, ni des gens qu'on peut croiser dans les conseils citoyens. Nous faisons de l’arpentage de rue à la recherche de citoyens ordinaires.

Le deuxième point récurrent c'est de tendre le plus possible vers un discours à la première personne. Les journalistes quelque part, n'ont rien à dire. On a une tournure d'esprit de sociologues, pas de journalistes. Le fantasme de la voix des gens c'est quelqu'un qui parle, point. 

Le troisième point, c’est croire en la quantité, entendre le maximum de gens, de points de vue possibles et faire entendre tout ça à notre auditoire, avec un échantillon aléatoire. On choisit l'espace temps. Par exemple, faire du son en marge d'une réunion publique, on ne rencontre pas les même gens que dans un parc. On fait attention au contexte de collectage qui peut être déterminant.

Quel est votre public cible ?

Nous en avons plusieurs : les personnes interviewées sont une cible principale. Nous sommes des agents d'écoute spontanée, juste là pour écouter c’est important. Puis, les décideurs politiques, les techniciens, les élus municipaux, les habitants et les gens curieux.

Vis-à-vis des élus, « la voix des gens » est financée par l'argent public. On travaille souvent en lien avec un contexte donné. Exemple : au quartier bastille on a une présence régulière, avec l’amibition de radiographier toute la mutation urbaine et sociale. C’est donc primordiale que le conseil municipal de Fontaine entende ça. Par rapport aux instances classiques c'est un apport. Quand un témoignage est dit sur un micro, il est accessible à tous et relayable sur les réseaux sociaux. Quand une parole singulière renvoie à un truc collectif, ça devient un enjeu collectif qu'il faut traiter d'une manière ou d’une autre. 

Pourquoi ce support voix ?

Parce qu’on peut lire en diagonale, mais pas écouter en diagonale. L'audio apporte du sens, il y a un niveau émotionnel qu'on atteint à la radio, qu'on atteints jamais à l'écrit…les silences, les respirations, l'accès à une intimité. En termes de restitution, quel que soit le sujet dont on parle, on accède au niveau émotionnel des gens lorsqu’on est en entretien individuel (pas en collectif). Institutionnellement les émotions, c’est pas fait pour. Rappelons-nous que les politiques sont des gens. On peut écouter en faisant autre chose. Pendant la sieste. C’est un média merveilleux. Une archive sonore d'ici et maintenant. 

Vous avez choisi Internet pour votre média, pourquoi ? 

On aime bien prendre du son, mais nous réalisons aussi des journaux muraux. La matière de départ est la même : une interview dans l'espace public. Et on la met en page et on l'imprime. On la colle sur des montées d'escalier, des panneaux. Nous démultiplions les supports pour toucher plus. Nous faisons aussi des CD radiophoniques, des radios concert (musique improvisée en accompagnement du menu radio). Chez Dyade, on est des gens de spectacle, on sait donc gérer les scènes. 

Que pensez-vous des autres médias locaux ?

Localiser les médias, c’est primordial. Avec cette montée en charge et leur diversité, peu importe les entrées, la société se dote à un niveau local de moyens d'exprimer ce qu'elle est. C’est capital dans un contexte où les médias « industriels » : ils se veulent structurant en matière d'identité collective mais elle n'est pas à la hauteur de l'impact en termes de conscience et de responsabilité sociale. C’est une résistance de dire « ce qu'on est c'est ça ». On se prouve à nous-même qui on est. Ca amène une richesse. Il ne suffit pas d'être un média local pour être légitime, mais ça permet de lutter contre les solutions toutes faites, les perceptions rapides. Il y a une multiplicité de sujets et une multiplicité d'angle d'attaque. 

Comment fonctionnez-vous? Quel est le statut de votre webradio? (Sarl, Association, scop...), combien êtes-vous dans votre équipe?

Nous sommes une coopérative. Nous avons 4 personnes au quotidien qui travaille en tant qu'intermittent. Nous n'avons pas de personnalité juridique particulière, elle est incluse dans Dyade (la webradio de Dyade).

Quel est votre modèle économique? Comment financez-vous votre média?

Nous avons 3 ou 4 source de financement, une diversité de partenariat. Nous faisons aussi des choses parce qu'on aime les faire, on a des bénévoles. On a des actions subventionnées qui nous donnent beaucoup de marge de manœuvre en termes de rédaction, de choix des partenaires... Nous travaillons principalement pour des collectivités et pour des mouvements d'éducation populaire. Nous répondons également à des appel d'offres sur de la concertation et de la formation professionnelle (on forme collectivement et individuellement). Notre manière de faire de la radio est spécifique. 

Certains médias font le choix de refuser la publicité, qu'en est-il pour vous ? 

Nous n'en avons pas eu besoin, la question ne s'est jamais posée. Nous n'avons pas de frais d'adhésion non plus pour des adhérents éventuels. Tout le monde peut s'abonner gratuitement au flux RSS radio. Nous sommes en open source. Notre son est réutilisable sur tout support.

Que rencontrez-vous comme difficultés ?

Le plus difficile c'est de garder la fraicheur de la pertinence et le recul d'écoute. En ce moment, on a trois ou quatre articles par semaine qui sortent. Chaque article c'est entre 4 et 5 personnes à interviewer, et Carole, une de nos salariés, a pour mission de tout écouter avant de publier. 

Comment envisagez-vous l'avenir ? Quels sont vos projets ?

Nous sommes en chantier par rapport à la question de l’essaimage de notre fonctionnement avec la formation, par exemple. Quand on nous demande de faire une intervention, on propose, pour le même coût, de former et d'accompagner pour que les personnes qui nous demandent une prestation de la réaliser eux-mêmes.

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