Faunes et flores de nos Alpes

mai 31, 2023 / 0 comments
L’aconit
Il est fort probable que sur un sentier de montagne, à l’ombre de hêtres, vous croisiez l’aconit. Cette fleur avec sa tête remarquable en forme de casque, semblable à celui de la déesse grecque Minerve, peut être jaune. C’est le cas de l’aconit tue-loup, parfois bleues comme l’aconit Napel ou violacé. Ses fleurs portées sur une longue tige poussent jusqu’à2 300 m dans des lieux où la neige est restée longtemps présente. Prenez les sentiers du Mont Aiguille ou ceux de la Matheysine pour la découvrir. Les herbivores ne la consomment pas :ils connaissent sa toxicité. Longtemps considérée comme un poison, elle fût également un médicament remarquable. Cette plante de la famille des renonculacées a probablement servi dès les temps préhistoriques pour empoisonner les pointes de flèche de nos valeureux ancêtres. Les Grecs, les Romains et les Sarrazins connaissaient les propriétés de cette belle plante. Et au Moyen-Ageon s’en servait pour empoisonner les pièges à loups et à renards.Comme médicament , inutile de dire qu’elle ne doit être maniée que par des mains expertes , mais pour la petite histoire, un curé de Haute-Marne recommandait la teinture d’aconit auprès de ses paroissiens en cas de grippe ! Les heureux bénéficiaires de cette thérapie ont-ils pu se servir de cet antidote inventé au VIII siècle par un médecin arabe Ibn Baïtar qui recommandait , en cas d’empoisonnement, de manger une souris ayant absorbé la racine de cette même plante ? Nous nous contenterons donc d’admirer cette plante à la fleur si étonnante et peut-être comme moi vous interrogerez vous sur la connaissance de nos anciens : comment identifiaient-ils une plante toxique et une plante comestible ?Bien plus forts que l’intelligence artificielle ? On remarquera que seuls les bourdons sont capables de forcer l’ouverture étroite de la plante pour atteindre le nectar ! 
 
La reine des prés 
La reine des prés poussent très souvent en bordure de terrains humides. Impossible de la rater :cette belle plante aux sommités blanches qui constituent comme un bouquet au sommet de la tige, peut atteindre 1,50m de hauteur .Elle diffuse un parfum délicat, un peu acidulé. Il en existe des champs entiers au bord de la route près des lacs de Laffrey. Une véritable pharmacie ambulante cette reine des prés, ces vertus thérapeutiques ont fait que certains rapprochent ces propriétés de celle de l’aspirine. D’ailleurs, faisant partie de la famille des spirées, on comprend à l’inverse pourquoi le fameux médicament à base d’acide acétylsalicylique a pris le nom d’aspirine. De spirée à aspirine il n’y avait qu’un pas . le principe actif de cette plante est le même que celui que l’on trouve dans le saule d’où on a tiré pendant longtemps le fameux acide acetyl salicilique. Pour profiter de ses bienfaits anti-inflammatoires et fébrifuges, on peut utiliser la plante en infusion (un herboriste ou un pharmacien vous conseillera sur les quantités nécessaires) . Mais plus simplement on peut se faire un petit shot de reine des prés en cueillant un joli bouquet (à condition de ne pas être dans un parc ou toute la flore est protégée) puis on laisse le bouquet dégager ses arômes qui rappellent ce parfum très particulier, proche de l’odeur balsamique des fleurs de sureau. Pendant longtemps cette plante fut confondue avec la barbe de bouc, une belle espèce de plante montagnarde que l’on rencontre dans les sous bois mais qui dégage une odeur peu séduisante . Le nom latin « aruncus » de cette barbe de bouc,  désigne, selon Pline le Jeune, la touffe de longs poils suspendue sous le menton des chèvres !
 
L’ancolie
L’ancolie des Alpes est tout simplement immanquable. Élégante est le mot exact qui caractérise cette fleur d’un bleu léger avec ses cinq pétales en cornet et cinq sépales en forme de lance . Elle pousse discrètement, souvent au milieu d’herbes folles ou près de rhododendrons, c’est le cas si vous vous promenez du côté de Chamrousse ou du Grand Colon dans le massif de Belledonne. Haute de 60 cm, l’ancolie porte bien son nom, aurait-elle pu s’appeler Mélancolie tant elle est comme perdue dans une végétation qui semble la dissimuler. En réalité,son nom provient du latin "aquila" qui signifie l’aigle et ce, en référence à l’éperon de ses fleurs qui rappellent les serres d’un aigle . On dit aussi que la fleur représente des colombes qui viennent s’abreuver dans une coupe et cette fois son nom viendrait du latin "aquilegia" qui signifie celle qui recueille l’eau. Vous voyez les fleurs possèdent un univers et c’est en les regardant que l’on peut saisir toute la poésie qu’elles portent. L’ancolie que certains ont appelé la colombine ou encore les gants de Notre Dame, la cornette ou le manteau royal est une plante d’une relative toxicité il n’y a guère qu’au moyen-âge et àla Renaissance qu’elle a connu quelques succès thérapeutiques.Elles avaient alors de soi disantes propriétés narcotiques qui la rendait dangereuse. A-t-elle servi à ces bandits de la rue qu’on appelait les endormeurs et qui faisaient boire à leur victime une boisson qui les endormait parfois pour toujours ? Ce qui était pratique pour les voler ! On remarquera que seules les chèvres acceptent de la manger, les autres herbivores la délaissent. Et nous, nous nous contenterons de la photographier ou mieux d’exercer nos talents de peintre !
 
La clématite 
Longtemps, j’ai cherché la clématite des Alpes. J’avais aperçu dans un livre cette sorte de liane qui laisse s’épanouir de grandes fleurs fragiles de 6 à 8 cm de circonférence et d’un bleu légèrement violacé, depuis, il me semblait que cette plante grimpante était une sorte de Graal,un trésor. Et il est vrai qu’elle est une reine de la flore alpine. On connait tous la clématite de nos jardins, mais comment ne pas  espérer découvrir cette sœur sauvage, qui semble parée de la robe en étoile d’une danseuse gracieuse et précieuse ? Ce n’est que par hasard, en allant grimper sur des blocs de granit dans la vallée du Valgaudemar, que j’ai fini par découvrir cette liane, qui avec le houblon et sa cousine la clématite vigne Blanche peut s’enorgueillir d’être la seule liane de notre flore. Tout le monde connaît la Vigne Blanche, cette clématite, pour tant toxique, n’a guère empêché quelques jeunes aventuriers de la couper pour en faire des cigarettes , on l’appelait communément le bois fumant ou le bois de pipe ! Et combien d’adolescents vivant à la campagne ont aspiré cette fumée âcre qui leur faisait croire à la première cigarette ? On l’a appelé aussi l’herbe au gueux , puisqu’une sorte de légende raconte qu’au Moyen-Age, des mendiants se frottaient le corps de clématite ce qui créait des lésions purulentes, et leur permettait ainsi d’être un peu plus pitoyables et dignes de recevoir quelques monnaies . On trouve la clématite des Alpes entre 1000 et 2400 m d’altitude alors que sa cousine la clématite vigne blanche pousse à peu près partout dans les bois. L’origine de son nom vient du Grec Klemat qui pourrait se traduire par sarment
 
La nigritelle
Vous marchez dans cet alpage qui part du col des Faisses et monte vers l’Obiou, nous sommes dans le sudIsère aux portes du Dévoluy. La pelouse alpine que vous foulez est riche en fleurs de toutes espèces mais c’est en vous penchant,attentif, que vous allez rencontrer cette petite orchidée qui se présente comme un bouquet pyramidal d’un pourpre bien sombre au sommet d’une tige : la nigritelle, encore appelée l’orchis vanille. Vous aurez compris que son nom indique d’entrée de jeu la particularité de sa couleur qui se tient entre le rouge et le noir. Il est impossible de vous tromper , car la nigritelle possède un signe distinctif imparable : son odeur. Elle diffuse en effet un parfum voluptueux de vanille. Il ne s’agit pas d’un parfum au rabais, d’une pâle copie : non si l'on ferme les yeux et que l’on approche la sommité fleurie près de ses narines on a une merveilleuse sensation de vanille. Et du coup on peut se souvenir que la véritable vanille est une gousse qui vient aussi d’une orchidée ! Cette nigritelle est un véritable coffre au trésor pour des dizaines d’espèces d’insectes , des observateurs ontnoté qu’elles pouvaient être visitées par plus de 40 espèces de papillons. Elle pousse dans des alpages, des landes ,aussi bien sur des sols siliceux que calcaires et ce, entre 1 500 m et 2 500m d’altitude. Ses tubercules palmés lui ont donné le surnom de manette ou petite main. On dit qu’il en existe une claire, nommée la main de Dieu (c’est le tubercule de l’année) et une sombre,la main du diable, qui n’est que le tubercule de l’année précédente. Dans le lot des croyances les anciens disaient que la nigritelle empêche le lait de cailler et lui donne une couleur bleutée ainsi qu’une bonne odeur de vanille ! Et certains d’ajouter qu’elle rendrait les filles amoureuses. Est-ce bien sérieux ? Dans tous les cas, quand vous rencontrerez cette belle petite plante, respirez là de tous vos poumons ! C’est gratuit et inoubliable !
 
Le rhododendron
Au cœur de l’été, à l’ombre des rochers aux lichens flamboyants, s’épanouissent les rhododendrons ferrugineux. Un peu partout en Belledonne à près de1 500 m d’altitude c’est un festival de grappes de fleurs d’un étonnant rouge carminé dans leur écrin de feuilles vertes épaisses et lustrées. Quel peintre a permis cet accord insolent entre le vert brillant, le rouge vif et le gris teinté d’ocre de la roche ? Le rhododendron est un peu comme le chamois, il raconte la montagne à lui seul. Roi d’une escorte composée d’aulnes, les fameuses vernes et de myrtillers, il niche dans ce que l’on appelle la zone de combat. Cette zone où la forêt s’éteint et où s’effacent bientôt les derniers arbres . Cette zone de combat où il faut supporter les longs mois d’hiver, de gelée de neige jusqu’à l’explosion estivale. Le rhododendron c’est en grec l’arbre aux roses… Qu’auraient dit les anciens, s’ils avaient pu contempler les rhododendrons arborescents de l’Himalaya qui peuvent atteindre plus de 20 m de hauteur ? Nous, notre rhododendron ferrugineux, il a choisi de courber l’échine, de ne pas trop s’exposer pour mieux durer. Ses feuilles sont souvent tachées de pointes oranges, ni plus ni moins que des taches de rouille causées par un champignon mais ce sont ces étranges petits clous couleur de rouille, à l’envers des feuilles, qui lui ont valu le nom de ferrugineux. On dit qu’aucune fleur n’a autant été célébrée et pourtant sa toxicité est reconnue depuis l’antiquité. Une légende veut que des convives aient été empoissonnés parce qu’ils avaient mangé un lièvre qui lui-même était un grand consommateur de rhododendrons… Et qui sait encore aujourd’hui que l’on fabriquait du côté du Piémont et dans certains endroits de Savoie, une huile de marmotte composée d’huile de tournesol ou d’olive dans laquelle macéraient des gales de rhododendrons, ces sortes d’excroissance qui poussent sur les feuilles. Il paraît qu’elle était parfaite pour lutter contre les douleurs rhumatismales. A vérifier !
 
La myrtille
Dans le Sud Isère, du col des Vachersau-dessus de Corps ou sur les pentes de Boustique, j’ai bien souvent sorti mes peignes à myrtilles. Ne pas croire que la tâche est facile, il faut en effet un peu d’habileté et de douceur pour ne pas embarquer entre les dents de fer trop de petites feuilles qui n’auraient rien à faire dans la confiture. La myrtille est le nectar des fruits de la montagne. On trouve les myrtillers des pelouses de Belledonne à celles des Ecrins. Cet arbrisseau modeste constitue une lande qui va littéralement enflammer la montagne avant les premières neiges lorsque ses feuilles vont rougir. Mais dès l’été ce sont ces baies d’un bleu sombre qui vont réjouir le cueilleur qui sommeille en chacun de nous. Que de promesses de recettes sucrées avec ce fruit si modeste mais si délicieux ! Les baies sont riches en vitamine A, à tel point que les pilotes anglais de la Royal Air Force bénéficient d’un régime de myrtilles puisque la vitamine A est réputée pour améliorer la vision nocturne. Plantes médicinales de grande renommée, ses baies sont parfois utilisées en cas de désordre intestinal. Et certains herboristes vous proposeront des feuilles de myrtille pour combattre le diabète par exemple. Pour tous les autres usages, fiez-vous aux recettes gourmandes : tarte à la myrtille, confiture, sirop, sorbet, voire même crue si vous avez pris soin de les laver car il existe des cas où ces baies, proches du sol, peuvent être contaminée par de l’urine d’un renard ou autres passagers des alpages… Les feuilles de la myrtille sont caduques, elles disparaissent l’hiver et ne restent que de pauvres tiges maigres et fragiles. Petit point de détail : ne vous étonnez pas d’avoir la langue violette, presque noire après avoir mangé ce fruit, il est très tinctorial ! D’où parfois son surnom de gueule noire ! Pour ce qui est de les cueillir, prenez soin de vous renseigner car l’usage du peigne n’est pas toujours autorisé, a fortiori dans les parcs régionaux ou nationaux ! Bonne cueillette et bonne dégustation !
 
L’arnica des montagnes
Vous connaissez tous ce nom d’arnica. Qui dans sa jeunesse n’a pas bénéficié de cette teinture un peu jaune au parfum balsamique, un peu sucré et entêtant que l’on appliquait sur les bleus, les ecchymoses dues aux chutes de vélo ou de patins à roulettes ? Ce remède très populaire, quelques peu discrédité aujourd’hui, est le résultat de l’utilisation d’une fleur semblable à une marguerite d’un beau jaune orange foncé et que l’on trouve dans les prairies alpines entre 600 et 2 800 m d’altitude. L’arnica dont le nom en grec signifie l’herbe à éternuer. Personnellement, j’ai cueilli mes premières fleurs d’arnica dans les pelouses situées sous le sanctuaire de la Salette dans le Sud Isère. Principalement sur les pentes du Planeau ou du clos de la Pale. Les anciens Grecs ne la connaissaient pas et c’est seulement au XII ème siècle que Sainte Hildegarde en fait mention. Très vite elle fut consacrée comme étant la panacée des chutes. Au-delà de son utilisation en teinture pour des usages externes, l’arnica est toxique et son usage médicinal est extrêmement complexe. Seuls les habitués de la montagne utilisent l’arnica montana en granules homéopathiques, car elle aurait des effets bénéfiques sur le mal d’altitude et bien évidemment sur les chocs, bosses et autres contusions. Ce qui est en revanche certain, c’est que cette fleur fragile est d’une grande beauté. En revanche, j’ai vu des gens cueillir avec la meilleure bonne foi du monde une fleur qui était en fait une fausse arnica. Bien souvent un type de séneçon dont l’allure peut prêter à confusion, encore que le séneçon ne dégage aucun parfum et qu’il possède des feuilles alternés sur la tige alors que, sur l’arnica, les feuilles sont opposées. L’arnica a connu des noms divers, elle fut nommée « le tabac de Savoyards » « le quinquina des pauvres » ou le tabac des Vosges ! Des noms qui indiquent son usage par certains en place et lieu de tabac. L’arnica a été parfois cultivé en Touraine et dans le Poitou. Des chiffres ont été avancés concernant les besoins des laboratoires pharmaceutiques vu la demande croissante pour les besoins de l’homéopathie et de la phytothérapie : on parle d’une demande européenne annuelle de 50 tonnes. Ce qui explique que l’arnica est très protégée ! Pensez -y quand vous la rencontrerez.
 
Lis orangé et le Lis martagon
Le lis orangé est presque un mythe alpin. Cette fleur à la beauté envoûtante fût, raconte la légende, née d'une goutte de lait qui perla du sein de Hera, l’épouse de Zeus. Aphrodite jalouse de cette fleur la dota d’un pistil quelque peu impudique mais cela fut sans conséquence. Au palmarès de la beauté, le lis orangé emporta tous les suffrages. Inutile de dire qu’il est rare, qu’on le rencontre parfois dans des coins surprenants et qu’il convient de le protéger. Par exemple, sur le sentier du fort St Eynard en Chartreuse à quelques encablures de Grenoble, il côtoie modestement le lis martagon. Je l’ai rencontré aussi près de l’Aulp du seuil, et près de Corps sur la route qui monte à la Salette, un exemplaire brillait de toute sa splendeur à10 m du goudron. En réalité, le lys orangé est un réfugié qui s’est inscrit dans les zones discrètes, souvent rocheuses entre l’étage collinéen et l’étage subalpin. La fleur à la couleur orange ponctuée de noir le rend identifiable entre tous et ses feuilles groupées en étoiles ou plutôt en une sorte d’ombelle autour de la tige lui donne une grâce à nulle autre pareille. Dans de nombreux endroits, il bénéficie d’une protection totale. Le lis martagon bénéficie du même sort et pousse dans les mêmes biotopes. Ses fleurs en grappe le long de la tige sont d’un très élégant rose violacé ponctué de taches de pourpre. Les feuilles à la base de la tige s’étagent en étoiles vertes. Chose remarquable, là où vous avez découvert un martagon ou un orangé, si le milieu n’a pas changé, l'année suivant, vous le retrouverez à la même place. Le martagon peut monter jusqu’à 1 mètre de hauteur. Malheureusement ses deux lis sont d’une fragilité extrême et leur floraison s’efface trop vite. Profitez à plein quand vous les rencontrez, demain ils ne vous proposeront qu’une tige nue dépourvue de charme. Il faut savoir que dans certains pays leurs bulbes était parfois mangé… Était-ce lors de disette ou y avait-il un vrai intérêt culinaire ? Nous nous contenterons de les photographier, conscients de leur exceptionnelle photogénie.
 
L’edelweiss
L’Edelweiss est un monde  ! Chacun connaît la petite étoile d’argent duveteuse qui pousse en montagne jusqu’à 3 000 m . L’edelweiss, de par sa relative rareté est une plante emblématique de la montagne , elle est présente sur la pièce de 5 francs suisse. Je me souviens qu’en1970 descendant dans le sud avec ma deux-chevaux, j’avais été très étonné de voir des enfants sur le bord de la route dans la région du Champsaur qui vendait ces fameux edelweiss porte bonheur… Un peu comme on vend les brins de muguet aujourd’hui. Plus présent et facile à trouver qu’on ne le croit, l’edelweiss a besoin d’être protégé. Il est convoité, peut-être lui prête-t-on quelques vertus magiques ? Un berger m’avait dit qu’il fallait toujours en avoir un dans son porte-monnaie pour ne jamais manquer d’argent. Curieusement, j’ai rencontré beaucoup d’edelweiss au Tibet ou au Népal, à des altitudes comprises entre 3 500 et 4 500 m. Mais quand je veux faire découvrir la petite étoile d’argent, il me suffit d’aller vagabonder sur le plateau d’Emparris en face de la Meije, il prolifère avec une sorte d’insolence ! L’édelweiss c’est le pied de lion comme l’indique son nom latin : leontopodium alpinum. La forme de la plante évoquerait l’empreinte du pied d’un lion ! L’edelweiss, dit le grand botaniste Fournier, semble découpé dans de la flanelle argentée. Son originalité a failli lui coûter la peau, on l’a bien trop cueilli ! Protégé, il prospère à nouveau. Au Tyrol, il est parfois utilisé pour ses propriétés galactogènes ! Il renforcerait la lactation chez les mères qui allaitent. On l’utilise aussi dans une crème anti rhumatismale. Encore appelé étoile d’argent ou étoile des glaciers, son nom d’origine germanique signifie « noble et blanc ». Dans le langage des fleurs, il symbolise le souvenir d’un amour passé. Sa fleur semble fragile, cotonneuse, duveteuse, capable de sublimer la rosée du matin. On comprend que nombre de restaurants, de résidences ou de chalets aient opté pour porter le nom de cette plante gracieuse. L’edelweiss pousse très bien dans les rocaillese t on peut se procurer des plants d’edelweiss chez les horticulteurs.
 
Le chamois
Si je vous parle d’un athlète capable d’effectuer 1000 m de dénivelé en un peu moins de 15 minutes, ne cherchez pas seulement dans les podiums des champions de l’ultra trail. Ce champion n’est autre que le chamois ! Le roi de la haute montagne, c’est lui, l’emblématique chamois dont la seule évocation engendre les cimes les plus altières. Le redoutable chasseur de chamois Hector Tredicini de St Séverin raconte qu’en 1886, il en aperçut un qui gambadait près du sommet du Mont Blanc ! En réalité le chamois se balade à peu près sous presque toutes les altitudes. Ainsi, à 45 minutes de vélo de Grenoble et quelques 500 m de dénivelé au-dessus de la ville, les plus attentifs et surtout les plus silencieux, peuvent apercevoir le fameux chamois de Chartreuse en train de brouter dans une clairière de jonquilles au milieu des hêtres. C’est avec un alpiniste de renom « Henri Sigayret", que j’ai vraiment rencontré cet animal splendide. Henri était chasseur, il opérait du côté du parc des Ecrins dans le secteur de Villard d’Arènes . La chasse était très réglementée. Henri partait avant le lever du soleil, il franchissait souvent la barre des 3 000 m, fréquentant des couloirs de pierre instables ou des névés inconsistants pour le bonheur de s’installer à côté d’une harde. Avec lui, nous attendions des heures observant le jeu des éterlous (c’est le nom qu’on donne aux chamois âgés entre 1 ou 2 ans). Henri ne tirait presque jamais, planqué dans de petits abris sous roche qu’il aménageait dans la montagne, il m’expliquait le vieux bouc solitaire, la chèvre prudente qui allait mettre bas... Avec lui, je découvrais comment la taille des cornes, la courbe de leur crochet, permettaient de distinguer un mâle d’une femelle. J’ai vu des chamois effectuer des bonds de plusieurs mètres et se rétablir sur des rochers, comme s’ils jouaient… Le masque noir qui court de ses yeux à son museau lui donne un faux air de bandit d’opérette. Je me demande si les hommes et les femmes des grottes de Lascaux ou  de Chauvet ont dessiné sur les parois de leur caverne ce si bel animal ? Pour la petite histoire, on appelle un chamois un isard dans les Pyrénées et le cri du chamois est une sorte de bêlement, de sifflement. Ce bovidé (hé oui c’est sa famille) est un animal diurne qui peut peser jusqu’à 70 kilos et courir à 50 km/h. Il va vivre en moyenne entre 13 et 15 ans et son principal prédateur, croyez-moi, ça n’est ni le loup ni le lynx, mais une fois de plus l’homme qui restreint son espace vital.
 
Le génépi
Proche de l’absinthe et de l’armoise, le génépi, longtemps appelé la petite armoise, fait partie des mythes parmi les plus populaires des boissons liés à l’altitude. C’est une toute petite plante qui pousse dans les rochers ou sur des éboulis d’altitude et d’où s’échappe un parfum divin.Avant de le déguster en digestif il faut d’abord le cueillir et le génépi c’est comme les morilles, quand on connait un coin on se le garde ! On se le garde, d’autant plus que la cueillette peut être acrobatique. J’ai souvenir de descendre de brins en brins dans une face raide, constituée de blocs qui tenaient par l’opération du Saint Esprit, je peux vous le dire c’était du côté de la croix de Rougny près de la Salette ou sur les arêtes du Grun de Saint Maurice au-dessus de saint Firmin en Valgaudemar. Enremontant avec les brins de génépi dans une main, j’ai accompli le passage le plus dangereux de toute ma carrière d’alpiniste .Rien de prestigieux pour ces sommets que seuls les gens du coin ,quelques chasseurs et randonneurs fréquentent avec bonheur. On y va seul, on y est seul et on revient avec le minimum de ces fameux quarante brins de génépis qui macéreront pendant 40 jours avec 40sucres dans un litre d’alcool en plein soleil. Les premiers guides voyaient dans le génépi la panacée pour contrer les défaillances physiques et psychologiques dûes à l’altitude. Bref, c’était l’idéal : une plante d’altitude pour lutter contre le mal des montagnes ! Comme toutes les plantes qui poussent dans un parc naturel ou régional, la cueillette du genépi est prohibée, et même quand elle est légale, soyez respectueux, ramassez juste ce qui vous servira pour faire un litre de cette jolie boisson aux teintes vertes et jaunes. La plus grande station de génépi, je l’ai découverte en redescendant d’une traversée de la Meije,bien au-dessous du refuge de l’Aigle : à quelques mètres du sentier, les petites plantes me narguaient ! Il s’en trouve dans des endroits plus rares, je pense à l’Obiou dans le Dévoluyoù, dans des failles de calcaires, la plante consent à pousser. Au fait celui qui en fait mention dans la littérature pour la première fois, c’est un randonneur, pas n’importe lequel puisqu’il s’agit de Jean Jacques Rousseau dans les Confessions, quand il raconte la mort d’un certain Claude Anet victime d’ une pleurésie suite à une sortie en montagne quelque peu éprouvante.
 
La vulnéraire 
Sur les hauteurs de Chartreuse, à l’abri des rochers, en été, une petite fleur modeste avec ses pétales jaunes fait partie des plantes convoitées. C’est la vulnéraire aussi précieuse que le génépi et que les moines recueillent pour préparer la fameuse Chartreuse. L’origine tient à un manuscrit rédigé par un certain François Hannibal d’Estrées en 1605, les moines chartreux auraient passé quelques 150 années à décrypter le manuscrit et établir la recette originale de l’ElixirVégétal qui deviendra au début du 19 eme siècle la fameuseChartreuse verte ou jaune. Cet élixir de santé (attention tout de même c’est du 55 ° d’alcool) contient la bagatelle de 130plantes. La recette est secrète et la Chartreuse est toujours élaborée et fabriquée aujourd’hui par les Pères Chartreux dans leur distillerie d’Aiguenoire à Entre-Deux-Guiers. La vulnéraire entre dans cet étonnant mélange mais pas que ! En effet la vulnéraire, dont le nom signifie celle qui guérit les maux, est une boisson comme le génépi, obtenue par macération dans l’alcool.Je suis allé parfois cueillir mes quelques brins de vulnéraire en longeant les rochers du côté de l’Aulp du seuil ou du pas de laRousse versant Grésivaudan de la Chartreuse. Curieusement, dans le massif de Belledonne, celle qu’on appelle vulnéraire est très différente de celle que l’on nomme ainsi en Chartreuse. Et oui, en Chartreuse, la vulnéraire est en réalité un petit millepertuis odorant paré de toutes les vertus, en Belledonne c’est une autre famille, celle des anthyllis, appelé plus communément le trèfle jaune. La vulnéraire, véritable panacée de la pharmacopée cartusienne, guérit à peu près de tout pourvu que l’on ne soit pas malade , là j’exagère, la vulnéraire contient de vrais principes actifs. Mais curieusement, cette plante que l’on considérait endémique en Chartreuse pousse également dans lesPyrénées où, là bas, elle ne bénéficie d’aucun statutthérapeutique ! On peut consommer la vulnéraire en tisane sinon même recette que le génépi : 40 brins fleuris, 40 sucre et 40 jours de macération dans de l’eau de vie ou de l’alcool qui titre au moins 55 ° . A consommer avec modération évidemment ! Le tétras-LyreVoici un oiseau qui est un symbole des Alpes : le tétras lyre, alias le petit coq de bruyère. Il tient son surnom de coq du fait des plumes de la queue du mâle en forme de lyre , vous savez ces drôles de petites plumes qui ornent parfois les chapeaux tyroliens. Noir avec des reflets moirés bleutés et du blanc sur la queue, le mâle est splendide, Comme le lagopède, son œil est surmonté d’une sorte de petite crête rouge qui grossit au printemps. La femelle est brune et roussâtre. Les pattes de cet oiseau sont frangées d’écailles cornées qui agissent comme des raquettes, idéales pour la neige . C’est encore un oiseau que les skieurs de randonnée dérangent à leur corps défendant. En effet, le tétras bâtit des sortes d’igloo, dans lequel la température reste constante. A part une légère bosse dans la neige on ne distingue rien et malheureusement quand, à ski ou en raquette, on heurte l’igloo on dérange le tétras. Mais le tétras est célèbre pour tout autre chose et il faut l’avouer : assister, avec la plus grande discrétion, à une parade nuptiale printanière est un grand privilège. Les mâles se retrouvent sur des places dégagées , qu’on appelle des places de chant, ce sont des sortes d’arène où ils vont parader se mesurant, en chantant et effectuant des sortes de danse pour affirmer leur domination. Ces exhibitions de force très codifiées vont jusqu’au combat et les poules qui rodent autour choisissent alors le dominant pour s’accoupler et commencent à pondre fin mai entre 3 et 10 œufs.Inutile de dire qu’on n’observe pas cette parade sans précaution.L'affût est indispensable et il faut être sur place le plus camouflé possible avant que les coqs n’arrivent sur la zone de combat et bien sûr le quitter quand tous les coqs sont partis. Dans certains endroits (comme le parc naturel de la Chartreuse du côté de Pravouta en face de la dent de Crolles), ont été placées des sortes de balises qui signalent la présence des coqs et incitent les skieurs ou les amateurs de raquette à éviter ces secteurs ! Une très bonne chose. On pense qu’il existe un peu plus de 15 000coqs dans les Alpes et qu’il s’en tue chaque année 400 environ. D’autres ennemis menacent le coq : les câbles des remontées mécaniques par exemple, certains constructeurs comme la firme POMA ont pris en compte ce problème et munissent leur télésiège de bandes fluorescentes et photo luminescentes qui éclairent la nuit les câbles et empêchent les oiseaux de les heurter... Si même les industriels s’y mettent ! Vive le Tétras…. !
 
La marmotte
Depuis que la marmotte est une héroïne dans le domaine de la publicité (elle emballe le chocolat dans du papier alu), cet animal charmant connaît une notoriété de star. Vendue sous forme de peluche dans le moindre magasin de souvenirs au-delà de 800 m d’altitude, bien des enfants imaginent peu qu’elle est un animal réel, si facile à observer pour peu qu’on emprunte un sentier de montagne. Impossible d’oublier ou d’ignorer son coup de sifflet strident, c’est ainsi qu’elle avertit ses congénères d’un danger, lequel est, le plus souvent, l’ombre d’un aigle qui survole la famille. La marmotte tout comme le chamois est un animal strictement diurne. Elle aime le soleil, et d’ailleurs ne connaît que la belle saison de l’été, puisque de la mi -octobre à la mi-avril, elle dort tranquille au fond de son terrier. Cette sybarite aime la sieste, elle aime jouer avec ses congénères et manger de l’herbe bien grasse. Son empathie naturelle à l’égard des hommes lui vaut quelques problèmes, les randonneurs n’hésitent pas à la nourrir pour l’apprivoiser, ce qui n’est jamais bon pour un animal sauvage dont le système digestif est d’abord fait pour manger de l’herbe et pas des croissants au beurre. Son hibernation est toujours source d’étonnement : pendant plus de 5 mois, la marmotte vit au ralenti au fond de son terrier tapissé de paille. Sa température corporelle chute à 7 °C et son cœur ralentit aux alentours de 4 ou 5 pulsations par minute. Par chance, les chasseurs n’ont pas été très actifs à son égard, sa chair ne serait pas très goûteuse en revanche sa graisse était dotée de vertus thérapeutiques et sa fourrure a bien dû servir à quelques manteaux de trappeur ! Quelques décennies en arrière, du côté de Valsenestre dans le parc des Ecrins, un ami avait découvert une marmotte pas très en forme, elle avait en effet les deux yeux crevés, sans doute une attaque d’aigle. On lui soigne quand même les yeux avec une lotion et on lui donne une cuillère de lait concentré sucré. Elle revit ! Membre de la famille à part entière et prénommé « marmotton », elle était copine avec le chat et adorait piquer les pantoufles de la grand-mère… Mais labelle histoire s’est mal terminée, la marmotte, en effet, boulottait tout dans la maison et pour finir, elle a grignoté des fils électriques. Ce qui lui fut fatal.
 
La Belladone
Bien souvent, la quête des plantes a guidé mes pas en montagne. Il ne s’agissait pas tant pour moi d’effectuer des cueillettes, mais tout simplement de les voir, de les découvrir dans leur milieu. C’était comme une chasse au trésor et il m’a fallu du temps et de la patience pour découvrir les hauts lieux de l’arnica , du génépi et de l’edelweiss. Pendant un temps je m’étais entiché de la secrète et vénéneuse Belladonna. Est-ce cette plante qui a donné son nom à cette chaîne de montagne que j’ai chaque jour devant les yeux, ombrée le matin et caressée chaque soir par les grands coups de pinceau du soleil ? Dans mes livres, j’avais appris que la Belladonna, ou atropabelladonna pour les latinistes, était à l’origine de cette étrange pratique qui consistait en l’ingérant à donner aux femmes un regard profond puisque l’atropine contenu dans la plante avait le pouvoir de dilater la pupille. Il semble que les Italiennes de la Renaissance utilisaient effectivement ces baies comme fard pour laisser s’épanouir la toute puissance de l’éclat de leurs yeux Difficile de croire que cela fut réellement un objet de cosmétique car la Belladone est avant tout une plante qui contient des produits excessivement toxiques et dangereux. Ces fruits qui consistent en une boule noir au milieu d’une corolle verdâtre sont d’une grande beauté. Attention aux enfants qui pourraient la prendre pour une cerise ! La Belladone est strictement vénéneuse et son ingestion peut être mortelle. Je l’ai trouvée à deux reprises en montagne dans le cadre exact qui lui conférait toute sa beauté. En partant du col de Marcieu dans le massif de la Chartreuse et en empruntant la piste de ski de fond qui longe la grande barrière de calcaire jusqu’à la station de st Hilaire du Touvet, j’ai vu à plusieurs reprises de très beaux buissons de Belladone. Combien de fois me suis-je assis sur un rocher, me laissant bercer par cette plante devant cette déferlante de sommets répondant au joli nom de chaîne de Belledonne. Cette piste forestière du Col de Marcieu est parfaite pour cela. Et si vous avez la chance de regarder le film de Jean-Paul Rappeneau « Un Hussard sur le toit » tiré du livre de Jean Giono avec les acteurs Juliette Binoche et Olivier Martinez, vous verrez que le dernier plan est un long travelling sur Belledonne illuminée par les rayons du soir. C’est en tout cas ce dont je m’en souviens ! J’ai également retrouvé ma chère plante vénéneuse dans les pentes du col de l’Arzellier… Une toute autre histoire sur le flanc Est du Vercors.
 
Le bouquetin
Quand vous vous baladerez sur la barrière Est du Vercors, du côté du Grand Veymont, il y a toutes les chances pour que, sur les épingles à cheveux du sentier, vous découvrirez la merveille d’un (ou plusieurs ) bouquetins … Impossible de se tromper, l’animal se distingue entre tous par ses cornes fabuleuses en taille, elles peuvent atteindre un mètre de long et chacune peut peser 6 kilos ! Alors évidemment on ne fait pas le malin devant un animal doté de telles armes, et dont le poids peut dépasser 100 kilos ! Par chance le bouquetin est d’une placidité qu’il ne rompt que lorsqu’il s’agit d’affirmer sa supériorité sur d’autres mâles au moment du rut. Les femelles qu’on appelle aussi étagnes sont plus menues que les mâles, elles dépassent rarement les 50 kilos et possèdent de petites cornes comme celle des chèvres. On doit au roi d’ItalieVictor Emmanuel surnommé le roi chasseur, ou encore le père des bouquetins, d’avoir préservé l’espèce qui, au 19 ème siècle, était en perdition. Aujourd’hui le bouquetin se porte bien, on le rencontre dans tous les grands massifs où il s’est propagé facilement. Du Grand Paradis à la Maurienne, en passant par les Aravis ou le Vercors, on trouve le bel animal. Quand il ne paresse pas au soleil (ce qui semble sa spécialité) le bouquetin est un grimpeur remarquable, il se déplace sur des dalles de rocher avec une aisance dans des cotations qui doivent friser le 4 en escalade .Allez le retrouver du côté du Col Vert et du Cornafion dans le Vercors ! Le sifflement qu’il émet par les naseaux ressemble un peu à celui du chamois mais si les chamois, pendant l’hiver, préfèrent se protéger en forêt, les bouquetins n’ont guère de crainte sur la glace. Leurs sabots larges possèdent une sorte de semelle élastique et spongieuse à pinces tranchantes et dures.Comme le disait le naturaliste Robert Hainard « C’est comme s’ils avaient des chaussures à semelle de crêpes munies de tricounis », les fameux clous en acier des alpinistes d’antan. Malheureusement pour eux, leur aisance les fait parfois prendre des risques et certains se font surprendre par des avalanches. Les jeunes, véritables acrobates, parviennent à se percher dans des arbres morts. Animal à la rusticité totale, le bouquetin peut se contenter de manger des lichens et contrairement au chamois, il ne fréquente pas l’épaisseur des forêts mais bien les pentes où les arbres sont clairsemés avant de rejoindre, l’été, les alpages d’altitude et les rochers. Allez installez-vous confortablement près du pas de la Ville au-dessus de Gresse enVercors, sous le grand Veymont, une bonne paire de jumelles, un appareil photo ou un carnet de croquis et observez les bouquetins ,je vous assure c’est aussi intéressant que d’être à la terrasse d’un café ! 
 
Tichodrome et chouette chevechette
Une de mes premières ascensions en montagne fut celle du Mont Aiguille . Comment rêver d’un baptême d’alpinisme à ce point signifiant quand on sait qu’avant la victoire de Antoine de ville en 1492 le mont aiguille était d’abord un mont inaccessible ? Ma première voie représentait une aventure dans tous les sens du terme, je ne connaissais de l’escalade que le minimum syndical (quelques nœuds, l’utilisation d’un rappel , de mousqueton) autant dire, pas grand chose . Mais ce dont je me souviens, ce n’est pas tant le doute qui m’ assaillait en grimpant, non la chose dont je me souviens, plus de 50 ans après cette première ascension, c’est la vision d’un oiseau. Jamais jen’avais vu un tel oiseau avec son corps gris, ses ailes rouges bordées de noirs avec quelques taches blanches. Il avait un long bec et semblait tenir sur le rocher le plus vertical avec une décontraction bluffante et son vol s’apparentait un peu à l’étrange vol d’un papillon. On aurait dit une sorte d’oiseau exotique échappé de quelques zoos ou Amazonie lointaine. J’appris qu’il s’agissait d’un petit passereau au nom délicieux : le tichodrome échelette... Tichodrome littéralement en grec « celui qui court rapidement sur les murailles » L’étonnant c’est que, posé, le tichodrome est presque banal, d’un gris passepartout mais qu’il s’envole et c’est une explosion de couleur où domine ce rouge carmin unique. J’espère que les grimpeurs qui courent dans la voie normale du Mont Aiguille ont l’œil et le bon sur d’autres endroits de la falaise, entre autres la paroi où se trouve la voie « Coluche », des tichodromes y nichent. Ais-je mis la chevechette à côté de l’échelette juste pour la rime ? Ou plutôt pour cette discrétion qui fait que vous êtes passés peut être dix fois à côté d’une chouette chevechette sans la voir, tant, collée à son tronc d’arbre, elle devient invisible, il faut dire qu’elle est de la taille d’une grive et qu’elle se tient souvent dans un trou creusé par un Pic. Elle règne dans les bois de l’étage subalpin, petit elfe, véritable miniature de chouette, elle s’active à la tombée du jour et s’en va manger ses proies , avec une prédilection pour les petits rongeurs. Je n’ai jamais cherché à la voir, c’est le hasard, près du col de la Faita en Chartreuse,qui me l’a montrée, perchée à la cime d’un sapin. Mais le mieux c’est de l’écouter : une sorte de cri fluté,adorable, genre Couuwitt qui vous ferait croire au lutin !
 
Le gypaète barbu
Pourquoi le gypaète ce magnifique vautour a -t -il concentré pendant des décennies des haines farouches de notre part ? Est-ce sa grande taille, son poitrail roux, son œil doté d’un curieux cercle rouge ? Le gypaète a failli disparaître de nos montagnes. Par chance, depuis 1986, des programmes européens ont permis de réimplanter ce beau rapace de 3mètres d’envergure qui donne au ciel une dimension particulière. J’ai pu visiter un centre d’élevage des gypaètes habituellement fermé au public, dans un endroit très protégé deHaute Savoie, un terrain privé de la vallée de l’Arve face auMont Blanc. C’est là dans des grandes volières que des reproducteurs donnent naissance à des oiseaux qui rejoindront dès que possible les falaises de nos belles montagnes. Les interventions de l’homme sont discrètes , réduites au nourrissage des gypaètes avec des os et des viandes issues d'abattoirs. Le gypaète est en effet le fameux casseur d’os . On peut parfois observer comment il casse des os en larguant depuis une très grande hauteur des os trop gros sur des pierres. Chose étonnante si le gypaète a le poitrail couleur feu c’est principalement parce qu’il s’ébroue dans des flaques de boues ferrugineuses. Sa tête est incroyable, il possède une sorte de barbiche double au-dessous de son long bec, et avec ses yeux jaunes cerclés de rouge il ne manque pas d’allure. Le cercle rouge de ses yeux s’épaissit en situation de stress ou de colère.En vol, le gypaète est une merveille, sa sveltesse lui donne des allures impressionnantes , ses battement d’ailes sont d’une incroyable légèreté et son plané est remarquable. Doucement le gypaète retrouve une petite place dans les Alpes, place jamais gagnée puisque trop souvent un tireur anonyme ruine les efforts deceux qui le protègent..
 .Au dernier recensement il y aurait un peu plus de 22 couples mâtures dans la partie française des Alpes et au total 216 ont été relâchés sur l’Arc Alpin. On le trouve aussi bien dans les falaises du Bargy qu’en Vanoise ou encore dans le Vercors. Dans ce dernier massif, on vient de constater que des gypaètes avaient pondu du côté du secteur d’Archiane. Rappelons que l’oiseau avait disparu du Vercors depuis 1879. Entre2010 et 2023, 19 oiseaux ont été introduits par le Parc du Vercors.  Aujourd‘hui on peut voir ces oiseaux sur les falaises du sud du massif, autour du Glandasse et des falaises d’Archiane. En 2022 on a pu assister à l'envol d'Ambane, le premier Gypaète barbu vertacomicorien ! Il est né d’un couple composé d’un mâle nommé Stephan et d’une femelle répondant audoux nom de Gerlinde. Pins à crochet , saules nain, pins cembro, mélèzes et cie. Je ne vais pas m’étendre sur tous les arbres et arbustes que l’on rencontre en montagne . Je vais quand même saluer ces pins à crochet noueux qui vivent dans la zone de combat . La zone de combat se situe aux alentours de 2 200 m, entre ce que l’on nomme l’étage subalpin (où l’on trouve encore des résineux ) et l’étage alpin (où l'on ne trouve plus que des prairies alpines). C’est la température qui fait régner sa loi sur la biologie et la physiologie des végétaux , vous vous souvenez que l’on perd en théorie 0,6 ° tous les cent mètres dedénivelé. Ce qui explique qu’à l’étage nival, au-delà de 3000 m, où le froid règne en maître, il n’y ait plus d’arbre mais simplement des lichens et des mousses. Il se passe alors des choses étonnantes : comment ne pas être séduit par ces pins dont le tronc semble avoir été torturé par des hivers terribles ?On les imagine luttant contre le vent , affrontant les tempêtes .Oh, ils ne sont pas forcément très grands mais on les perçoit courageux, tenaces , indomptables… Tous ceux qui sont allés se balader sur les hauts de Chartreuse, du côté de l’Aulp du Seuil ou de la dent de Crolles par exemple, ont été admiratifs devant ces arbres qui semblent constituer des éléments de décor d’un jardin japonais. Du côté de Chamrousse, dans la massif de Belledonne, les pins à crochets côtoient les pins cembros dont c’est la station la plus occidentale. Mais plus haut, presque à l’étagenival, il est un arbre que personne n’identifie c’est le saule !N’espérez pas un saule de 10 mètres de haut, cette fois : le saule nain ne fait que quelques centimètres de haut….On dirait une petite plante, mais c’est bien un arbre, une sorte de bonsaï naturel dont la croissance n’est que de 1 à 2 mm par an !Désormais vous pourrez bluffer vos amis en leur montrant l’arbre le plus petit du monde. Bien plus bas, cette fois dans les forêts de feuillus, ou les forêts mixtes, chacun pourra s’extasier devant les hêtres, avec leur tronc dotés d’une peau grise de rhinocéros qui s’élancent vers le ciel. Y a t-il arbre plus majestueux ?En montant au fort de st Eynard, on traverse ces forêts qui au printemps abritent jonquilles, muguets, jacinthes. Mais, parmi les plus beaux arbres, trône un résineux : le seul qui perde ses aiguilles : le mélèze.. Il ne le fait pas discrètement :cette chute s’accompagne d’une apothéose : la forêt s’enflamme et les mélèzes deviennent de l’or, dans un pied de nez ultime avant l’hiver qui va effacer les couleurs. Il se trouve que, accomplissant quelques virées spéléos dans ma jeunesse, j’avais visité un chourum du Dévoluy, le fond de ce gouffre était tapissé d’un glace aussi translucide que du cristal et à l’intérieur de la glace reposaient des tronc brisés, des morceau de troncs de mélèzes. Depuis des centaines d'années, ils reposaient prisonniers des glaces, hibernatus inerte et magnifiques.Regardez les arbres des montagnes avec attention, ils ont tant à raconter !